Un peu d'histoire...

L’école primaire supérieure

A l’origine du lycée Niepce, il y a l’école primaire supérieure que la loi Guizot de 1836 oblige toutes les villes importantes à ouvrir. Elle occupera successivement des locaux rue d’Autun, place de Beaune, et finalement rue de Thiard, dans des locaux spécifiquement prévus pour elle. Au milieu des années 1860, elle compte environ 40 élèves. Mais le législateur ne prendra pas en compte les écoles primaires supérieures dans ses réformes, et celle de Chalon, devenue municipale, manquera bientôt de fonds et ne comptera plus que 3 élèves en 1881. Son renouveau sera l’œuvre d’un homme : Edgar Paillard

L’école primaire supérieure et professionnelle

En 1883, Edgar Paillard, directeur de l’école primaire du centre avec « cours supérieur » inclus ( ce dernier n’étant toujours pas reconnu par l’Etat), demande au conseil municipal la création d’une école en 2 ans en recrutant un maître de serrurerie. Il obtiendra l’accord, mais pas les locaux ! l’EPS compte déjà 63 élèves dont 4 entreront aux arts et métiers…

Un arrêté ministériel du 13 décembre 1884 crée finalement l’Ecole primaire supérieure de Chalon reconnue par l’Etat : un directeur et deux adjoints, en partie rémunérés par le département, et des artisans rémunérés comme vacataires pour professer leur savoir. Hébergée dans des locaux appartenant à la ville, l’école est gratuite, merci Jules Ferry et le conseil municipal chalonnais… Il faut encore trois ans à Monsieur Paillard pour ouvrir sans l’aval du ministère, mais avec le soutien de la mairie, une troisième année de formation, sur le modèle de l’ Ecole professionnelle de Voiron.

La partie sera gagnée le 28 avril 1891, quand est créée l’Ecole Nationale de Perfectionnement ou Ecole Professionnelle en 3 ans, bizarre compromis entre le statut des Ecoles Nationales Professionnelles (Dont Chalon ne fait pas encore partie ) et celui de l’Ecole Primaire supérieure des débuts. Cette entité prendra le nom bâtard d ‘Ecole Primaire Supérieure et Professionnelle (EPSP). L’établissement chalonnais fait alors partie des pionniers français de l’enseignement technique, à l’instar de la l’institution Livet à Nantes ou les écoles d’Armentières et d’Epinal, soutenus presque exclusivement par les acteurs économiques locaux et que le ministère ne légitimera que plus tard…

Edgar Paillard restera directeur de l’école jusqu’en 1910. Cette année là, seize professeurs exercent à l’EPSP : quatre sont chargés des disciplines littéraires, trois autres de celles scientifiques, cinq chargés de l’enseignement technologique et pratique, un maître de gymnastique et trois professeurs de musique et de chant. Près de 200 élèves suivent un cycle de trois ou quatre ans. Orientés dès le début en « commerce » ou en « industrie », ils reçoivent pendant deux ans un tronc commun d’enseignement comportant : Français, Histoire et Géographie, Physique, sciences naturelles, mathématiques, Dessin, Comptabilité, Droit, Hygiène, Musique et anglais pour la section « commerce » . Des travaux pratiques spécialisés viennent compléter le cursus. La troisième année conduit au Certificat d’Etudes Primaires Supérieures (CEPS) avec quatre options : générale, agricole, industrielle, commerciale. C’est un diplôme professionnel reconnu et monnayable sur le marché du travail, mais pour les meilleurs élèves, il y a la quatrième année : une section spéciale prépare aux concours des écoles d’ingénieurs (arts et métiers, centrale…) alors que la section normale prépare au CFEP ( Certificat de fin d’études pratiques ) option commerce ou industrie. Cette section ouvre la porte aux concours des Ecoles Normales des postes, des impôts… Une gigantesque fête est organisée le 12 juin 1910, fêtant les vingt-cinq ans de l’école et le départ en retraite du directeur Paillard. Une page se tourne…

L’ Ecole Nationale Professionnelle

La première guerre mondiale prélèvera son terrible dû au sein de l’école, les noms des tombés au champ de bataille seront gravés dans le marbre de la salle d’honneur de l’ENP.

En 1922, L’EPSP est officiellement divisée en deux parties autonomes : L’Ecole primaire supérieure (EPS) consacrée uniquement à l’enseignement général (elle disparaîtra en 1939) et l’Ecole pratique du commerce et de l’industrie (EPCI) chargée de la formation technique (à l’intérieur de l’EPCI, s’ouvre une « section professionnelle »). On récupère du matériel d’occasion venant de l’ENP d’Armentières, mais aussi celui d’entreprises locales. Par contre, les locaux deviennent trop étroits. La ville accède à la requête de l’Ecole et achète des terrains avenue Boucicaut.

En 1925, la mairie de Chalon, désormais dirigée par Georges Nouelle, ancien professeur de mathématiques de l’EPSP, lance un premier projet : 17 classes, un internat, des salles spécialisées. Début des travaux en octobre 1925. A la rentrée 1930, livraison de 3200 m² d’ateliers en cinq halles vitrées à l’anglaise, charpentes métalliques, sol bétonné et chauffage central par panneaux radiants sous les plafonds.

A la même date, l’EPCI devient officiellement Ecole Nationale Professionnelle (ENP). La ville cède les terrains de Boucicaut à l’Etat qui reprend à son compte le reste du projet. Deux sections sont prévues dans l’ENP : Commerce et Industrie, et deux cycles de formation : « techniciens »en quatre ans et « praticiens » en deux ans. La famille des ENP comprend alors : Armentières, Voiron, Vierzon, Metz, Epinal et Chalon.

1931, c’est le début de la construction du bâtiment rose avenue Boucicaut. Dû à l’architecte Tronchet, il est à la pointe des techniques de l’époque : béton armé vibré, terrasses gravillonnées, chauffage central, baies vitrées, décoration dans le style « Trocadéro ». Inauguré en juillet 1936, il ne sera fini qu’à la fin de 1937. La mairie profite du centenaire de la mort de Nicéphore Niepce, en 1933, pour donner son nom à l’ENP. Ce patronyme aura beaucoup de mal à effacer « la Prof »…

La vie dans l’ENP

650 élèves sont accueillis à la rentrée 1936 par 29 professeurs qui enseignent pour la plupart deux matières, un surveillant général et une quarantaine de surveillants. Les établissements sont mixtes, mais les internes, au nombre de 280, ne sont que des garçons. Le recrutement est très majoritairement local, même si quelques bretons ou lorrains viennent grossir les rangs. La discipline est stricte : tenue réglementaire ( blouse grise ou bleue, faux col ou chemise, cravate, chaussures astiquées…), déplacements en rangs et en silence, pantoufles au dortoir, privation de sorties, exclusions. Les internes ont droit à une seule sortie : le jeudi, en rang par deux jusqu’à Saint Loup de Varennes. Un seul défoulement autorisé : le père Cent, une fois par an et pour les quatrième année seulement !

 

Notons au passage ce point du règlement : « Lorsqu’un devoir n’est pas remis à l’heure fixée, le professeur intéressé met l’élève en demeure de lui présenter le dit devoir dans un délai de 48 heures. Faute de s’exécuter, l’élève est définitivement exclu de l’école ». Un centre d’apprentissage est créé au sein de l’ENP en 1941, alors que la ligne de démarcation empêche les élèves du Jura et de Bresse de se présenter à l’Ecole.

L’occupation aura sur l’ENP les mêmes conséquences que sur les autres écoles du territoire : on continue à travailler malgré les privations et les complications du quotidien. Après le gigantesque « monome » du 8 mai 1945, les effectifs de l’ENP continuent d’augmenter, même après le transfert de la filière automobile, de la filière bois et des sections commerciales vers d’autres établissements chalonnais. Ateliers trop étroits, dortoirs surchargés, une grève des élèves éclate en 1957, l’année même où arrive le nouveau directeur Jean Beaumont.

L’Ecole devient Lycée

La réforme de 1962 fait de l’ENP un lycée technique d’Etat (LTE), le collège technique, héritier du centre d’apprentissage devient collège d’enseignement technique (CET). Le nouveau directeur va consacrer les années 60 à la construction de nouveaux locaux et un élargissement des formations. L’opération « Lebeau » permet de construire un immeuble de 50 salles, une extension des ateliers, un nouvel internat assorti d’un foyer des élèves, un restaurant moderne, un bloc administratif, un gymnase…le chantier durera 6 ans. En 1962, c’est l’ouverture du premier BTS. La filière « laboratoire » est créée ( les filles reviennent dans le lycée), avec ses installations propres. Les filières électrotechnique et électronique se différencient. En 1967, la restructuration des CPGE fait de Niépce une prépa à part entière. Le CNAM sera ouvert en 1960.

En 1973, le CET devient lycée Julien de Balleure et indépendant, restant dans les mêmes locaux.

Le lycée Niepce sera successivement dirigé et modelé par Monsieur Chapron, Monsieur Malandain et Monsieur Pasquer. Le LET est rebaptisé Lycée technique régional, lorsque la région, à la suite des lois de décentralisation en devient propriétaire. Le GRETA est créé à la même période. En 1998, les deux établissements Niépce et Balleure sont réunis sous l’autorité d’un seul et même chef d’établissement, Monsieur Philippe Henssien. Les évolutions entreprises se poursuivent par la création de nouveaux BTS, de nouveaux partenariats, de nouveaux défis lancés par l’évolution rapide des techniques… Les acteurs de la communauté scolaire, font fructifier chaque jour cet héritage. Malgré la lente disparition de l’industrie locale, l’enseignement technologique a encore de beaux jours devant lui au lycée Niépce…

Article rédigé en avril 2006 par Johann Jambu, documentaliste du lycée Niepce en s’inspirant de l’opuscule rédigé par D.Henriot, M.L. Gelin, D. Alegoet, J. de Bettignies et J. batail pour le 60ème anniversaire de l’ENP.